L’Homme est un raconteur, et les histoires font partie intégrante de nos vies. Nous vous avions présenté ce concept ainsi que son importance dans la création de l’appartenance à une communauté dans un billet précédent. Cela ne s’arrête pas là ! Notre cerveau exploite notre capacité à imaginer des scénarios pour mieux apprendre et se préparer à différentes situations. Voyons comment ce concept peut être positivement détourné par l’architecture.
Tout comme notre évolution a fait en sorte que nous ressentons du plaisir à manger ou à nous reproduire, nous aimons aussi les histoires. En quoi ce trait est-il un avantage pour notre survie ? Dans son livre “The storytelling animal”, l’Américain Jonathan Gottschall explique comment nos rêves inconscients et nos rêveries journalières (environ 14 secondes par pensée, soit 4 heures par jour !) nous conditionnent à la résolution de problèmes. Ressasser une conversation douloureuse ou rêver à une rencontre malheureuse avec un tigre nous aide à améliorer notre réaction à une situation vécue, ou encore nous prépare à une situation hypothétique. Notre cerveau est comme un logiciel de simulation de vol : il tente de relever des défis de la vie et teste des actions sans le danger d’un vrai essai de pilotage, potentiellement raté. Notre cerveau se nourrit d’histoires et de scénarios fictifs comme autant d’occasions d’apprendre grâce à la simulation.
Les histoires véhiculent des éléments culturels, des symboles et des valeurs qui nous rassemblent comme peuple. Leurs influences sur nos croyances, nos convictions et nos comportements sont pourtant encore plus grandes ! Il s’agit d’un moyen efficace de communiquer des idées et des messages, par exemple par rapport au bien et au mal dans notre société. Les livres ont le pouvoir de modifier l’opinion publique, comme celle sur l’esclavage aux États-Unis, ou encore le livre sur un candidat actuel à la mairie de Montréal. Il semblerait que nous soyons plus enclins à changer notre façon de penser grâce aux idées véhiculées par des histoires en comparaison à des arguments scientifiques. C’est le changement de perspective apporté par le récit des personnages qui parvient à contrer notre biais cognitif de confirmation. Bien des exemples existent en ce sens en cette saison vaccinale !
Saviez-vous que les formes ont une grande importance sur notre perception ? Les formes sont des éléments visuels que notre cerveau associe à des caractéristiques bonnes ou mauvaises, peu importe notre âge, notre culture et notre langue. Dans les films animés, un personnage tout en rondeur sera gentil et doux, alors que les personnages diaboliques possèdent des angles pointus, comme des triangles. Le carré peut être synonyme de neutralité, mais aussi de force et de stabilité. Lors de la réalisation d’un film, ces mêmes formes peuvent également modifier la perception d’une scène par les spectateurs. Notre cerveau est même en mesure de se raconter une histoire juste en voyant des formes se déplacer sur un écran ! L’architecte peut reprendre ces éléments, et bien d’autres, pour contrôler nos perceptions dans les environnements qu’il bâtit.
Notre amour des histoires et la recherche de problèmes à résoudre sont le fondement du modèle narratif du cerveau (ce simulateur de vol), que ce soit au cinéma, dans les livres ou encore dans les jeux vidéo. Une bonne histoire doit mettre en scène un héros dans lequel nous nous identifions, ainsi qu’un méchant à combattre, un défi à relever ou un problème à résoudre… et une solution ! C’est d’ailleurs pour cette raison que nous restons sur notre faim lorsqu’une histoire se termine mal; le problème n’a simplement pas été résolu.
Notre passage à travers un bâtiment peut être traité comme une expérience immersive similaire à celle d’écouter un film ou jouer à un jeu vidéo. En nous déplaçant, notre regard peut être dirigé vers des éléments de l’environnement sur lesquels l’architecte souhaite attirer notre attention. Comme un mentaliste, l’architecte peut ainsi utiliser nos sens et tirer avantage de l’effet d’immersion que nous ressentons dans un espace afin de raconter une histoire, comme un film. L’effet d’immersion est puissant : notre cerveau irrationnel n’est pas en mesure de différencier la réalité de la fiction. Être enfermé dans une escape room crée un pic d’adrénaline, même s’il ne s’agit que d’un jeu. Ce type de divertissement est d’ailleurs très populaire pour cette raison, en plus de répondre au besoin humain de résoudre des problèmes pour mieux apprendre. Jouer avec le rythme cardiaque, les illusions optiques, les contrastes lumineux, les sonorités ne sont que quelques exemples d’éléments modulables d’un environnement bâti pour créer des ambiances, comme dans un film. Le film The shining (1981) de Stanley Kubrick est un excellent exemple de l’utilisation de l’architecture dans le monde du cinéma pour moduler des comportements chez les spectateurs.
LabNco. reprend ces concepts, et bien d’autres, pour élaborer ses projets. Il les construit comme une histoire de film. En effet, la suite d’éléments architecturaux est utilisée comme une structure narrative qui contient les différents actes d’une histoire réussie : l’élément déclencheur, les obstacles et leurs résolutions.
L’histoire, cependant, doit être condensée dans le temps, afin de s’ajuster au passage éphémère des visiteurs du bâtiment, et dans l’espace ! Un environnement bâti peut être traité de façon à créer une expérience immersive, tel jeu vidéo Zelda™ : l’extérieur n’existe plus afin de laisser toute la place à l’ambiance du récit. Notre cerveau est une machine à créer du sens; l’expérience de la mise en scène modifiera le comportement, les émotions et les interactions des visiteurs qui prêtent attention à leur environnement. Cliquez ici pour un exemple concret de projet architectural par LabNco !