Résidentiel
La Sentinelle tire son nom de sa forme sillonnée qui reprend la logique des sentiers qui parcourent la montagne, et du fait qu’elle finit son parcours sur la grande baie vitrée d’observation, telle la lorgnette du garde surveillant la forêt.
Dès les premiers balbutiements du projet, de nombreuses visites furent faites sur le site afin d’en capter l’esprit et d’ « écouter » ce qu’il voulait raconter, autrement dit, ce qu’il indiquait naturellement comme intervention en son sein. Sa topographie particulière, ses dénivelés, vallons et butons, ses percées visuelles naturelles à travers les arbres et clairières, la nature de sa végétation, furent toutes parmi les nombreuses composantes analysées autant rationnellement que subjectivement. Cette approche, à la fois analytique, contemplative et sensible amena la forme architecturale à sillonner le site et à s’y déployer en suivant de près ses danses et en s’élevant progressivement avec lui afin d’y faire pénétrer la montagne, la nature, et la lumière jusqu’à un petit plateau haut avec percée visuelle vers la clairière, nous invitant à s’y déposer telle une lorgnette contemplative.
La maison semble parfois faire profil bas afin de discrètement épouser le dénivelé descendant vers la rue, et d’autres fois vient se hisser sur des pieux afin de se déposer le plus délicatement possible sur son site, laissant ce dernier se prolonger sous elle et évitant ainsi d’écorcher ses pentes plus accentuées. Le site vient aussi se prolonger en son sein, puisque la maison vient former une petite cour intérieure qui enlace ce dernier. Conséquemment, la maison se déploie donc telle une extension du site et de la promenade auquel il nous convie.
Les façades du côté de la rue se veulent effacées, afin de laisser toute la place à la nature. La fenestration, parfois source de reflets et de halos d’éblouissement, y est volontairement limitée afin de ne pas attirer l’attention sur le projet, qui veut conserver son mystère, en évitant d’être conçu avec un caractère clinquant, mais plutôt distingué et appelant sa découverte progressive. C’est la raison pour laquelle aucune fenêtre visible ne se retrouve dans sa partie basse, au niveau du garage secondaire.
C’est aussi dans cet esprit d’effacement et de découverte progressive plutôt que d’émerveillement instantané que les garages et leurs ouvertures furent donc conçus. Les portes, quoique pouvant être parfois surdimensionnées, permettent cependant d’éviter que les véhicules du propriétaire ne traînent à l’extérieur, laissant ainsi plus de place pour la nature et sa continuité visuelle. De plus, toujours dans le même esprit, les portes de garage tout comme piétonnes y sont recouvertes du même parement que les murs, afin de se dissimuler à la masse et de ne pas attirer l’attention, permettant que l’accent se retrouve au niveau de l’arche en bois pâle située entre les deux garages qui sert de principal portique d’entrée au projet. Ce portique mène vers le jardin de la cour intérieure, afin de mettre progressivement la table pour l’expérience de contemplation de la nature désirée, le tout avant d'arriver à l’entrée réelle de la maison. C’est alors passé ce seuil que le spectacle naturel prend son ampleur via la fenestration abondante et de grande dimension du côté de la face cachée de la maison.
Le projet vise à mettre en scène cette proximité et cette beauté de la forêt. À cet effet, une sensibilité particulière fut d’ailleurs accordée afin de conserver au maximum la végétation en place et que celle-ci côtoie de près le projet. La maison vise ainsi à se relier et s’intriquer à la nature environnante.